Portrait

Un traitement du cancer novateur pour les tumeurs solides

Bien que les médicaments chimiothérapeutiques soient efficaces pour traiter certains cancers, ils peuvent provoquer des effets secondaires désagréables et ne parviennent pas toujours à atteindre toutes les cellules cancéreuses d’une tumeur. Une nouvelle percée scientifique utilisant une plateforme de traitement spécialisée qui achemine des médicaments contre le cancer à l’intérieur des tumeurs espère changer cela. Ce concept inédit a été conçu par Sylvain Martel, Ph. D., à Polytechnique Montréal, et la technologie est maintenant développée par Starpax Biopharma pour en faire une nouvelle méthode de traitement contre le cancer.

Le nouveau concept utilise des bactéries spécialisées, appelées Magnétodrones, dont la trajectoire est contrôlée par des champs magnétiques uniques qui les maintiennent à l’intérieur de la tumeur et les forcent à distribuer le médicament partout. Elles atteignent ainsi des zones inaccessibles pour les traitements traditionnels tels que la chimiothérapie.

Sylvain Martel a d’abord eu l’idée d’utiliser des bactéries guidées par magnétisme pour cibler des tumeurs solides telles que le cancer de la prostate. Au fil des ans, cette recherche a été soutenue par une subvention accordée par Cancer de la prostate Canada (aujourd’hui SCC) et financée par Movember. Et en 2018, une entreprise montréalaise, Starpax Biopharma, a acquis les brevets pour mettre au point une technologie applicable à la plupart des types de tumeurs solides. Les premiers essais cliniques devraient débuter en 2025.

« Ces nouvelles bactéries que nous avons créées pour former les Magnétodrones génèrent des cristaux de fer magnétiques à l’intérieur de ces dernières, un peu comme ce que font les oiseaux pour guider leur migration, explique Michel Gareau, président fondateur de Starpax Biopharma. Tout comme les oiseaux utilisent ces propriétés magnétiques pour trouver le Nord, nous créons un « pôle Nord » magnétique focal qui peut pénétrer dans les tumeurs afin de forcer les Magnétodrones à se répartir dans tout leur volume et à atteindre les cellules cancéreuses. »

Sylvain Martel, Ph. D. et Michel Gareau, président fondateur de Starpax Biopharma, à côté de l’appareil PolarTrak.
Sylvain Martel, Ph. D. (à droite) et Michel Gareau, président fondateur de Starpax Biopharma, à côté de l’appareil PolarTrak

Financement et partenariats pour mettre de nouveaux traitements à la disposition des personnes atteintes de cancer

Sylvain Martel a travaillé pendant plus de 15 ans à la conception de champs magnétiques contrôlés par ordinateur et capables d’orienter les bactéries spécialisées dans la bonne direction.

« Cela permet de distribuer les charges thérapeutiques là où elles sont le plus efficaces, tout en évitant la toxicité systémique pour les patients, comme c’est le cas pour la chimiothérapie », explique le professeur Martel.

Selon lui, il n’aurait pas pu y parvenir sans la subvention de Cancer de la prostate Canada (CPC). En 2017, son équipe venait de produire une solide preuve de concept, mais les sources de financement disponibles étaient presque inexistantes, si bien qu’il était sur le point de perdre des membres clés du personnel de recherche possédant une expertise essentielle.

« Environ une semaine avant de licencier le personnel, nous avons soudainement reçu le soutien de CPC, relate le professeur Martel. Sans cette aide, nous n’aurions pas été en mesure de poursuivre un travail important qui a ouvert la voie à un partenariat avec Starpax BioPharma aboutissant à ce traitement contre le cancer sans précédent pour les patients. »

Starpax BioPharma a déjà conclu un partenariat avec l’Hôpital général juif de Montréal, qui a achevé la construction d’une nouvelle salle équipée du PolarTrakMC, un appareil médical mis au point par Starpax pour générer des champs magnétiques spéciaux afin de contrôler les Magnétodrones à l’intérieur des tumeurs. Les essais cliniques qui pourraient mener à des traitements contre le cancer susceptibles de changer la vie des patients seront entrepris sur six cancers : les cancers du pancréas, de la prostate, de la tête et du cou, du rectum, de la vulve et du sein.

« Il s’agit d’un grand pas en avant vers la solution d’un défi qui perdure : la résistance au traitement, déclare le Dr Gerald Batist, directeur du Centre du cancer Segal à l’Hôpital général juif. Nous nous employons à faire bénéficier nos patients de cette innovation, mais aussi, à terme, les patients du monde entier. »

Le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec a accordé 7 M$ pour la construction et la mise en place de la salle d’intervention de l’Hôpital dédiée à ce traitement novateur. L’Hôpital général juif sera le premier au monde à utiliser ces technologies en milieu clinique.

Les avantages potentiels de ce projet montrent que la recherche sur le cancer dépend du travail d’un grand nombre de personnes et d’organisations qui s’unissent pour parvenir à un changement.

« Ce projet était une initiative multidisciplinaire complexe qui a nécessité un financement de la recherche sur une longue période, affirme Sylvain Martel. Aujourd’hui, Starpax a la possibilité de mettre à la disposition des patients ce traitement contre le cancer unique en son genre. »